mercredi 21 novembre 2007

CULTURE : Tête d'or

Béatrice Dalle, de la prison au théâtrePar Alexis CAMPIONPour leJDD.fr
Gilles Blanchard fait revivre Tête d'Or en milieu carcéral. Vingt-six détenus y encadrent Béatrice Dalle. C'est d'ailleurs sur le tournage de cette reprise de l'oeuvre de Paul Claudel que la sulfureuse actrice a rencontré celui qui partage désormais sa vie, Guenaël Meziani. Fable moderne des plus réussies, Tête d'Or convainc. Et Béatrice Dalle séduit.
Béatrice Dalle livre une poignante prestation. (MaxPPP)Poème touffu mais magique dans sa façon d'évoquer la soif et la vacuité du pouvoir, Tête d'Or est l'un des tous premiers écrits de Paul Claudel (1890), alors jeune homme sous le choc des Illuminations d'Arthur Rimbaud et, déjà, observateur averti d'une époque où la République encore fragile doit se méfier des tentations extrêmes, anarchistes ou totalitaires. Dans une lettre à Jean-Louis Barrault en 1949, le dramaturge avait lui-même exprimé le désir que sa pièce soit un jour montée dans un camp de prisonniers. "Il faudrait rebâtir ce couvercle matérialiste sous lequel nous étouffions." Dont acte: homme de théâtre doué pour la caméra et motivé pour surprendre, Gilles Blanchard a décidé de faire revivre Tête d'Or en milieu carcéral avec une distribution qui laisse rêveur: 26 détenus et une actrice professionnelle, Béatrice Dalle. Sans autre musique que la langue claudélienne tour à tour fulgurante et fastidieuse - et en guise de fond sonore le brouhaha d'une prison bretonne aujourd'hui - le poème prend dès lors une dimension nouvelle: celle des désirs et chimères d'hommes aux ailes brisées. Une lueur précise et précieuse que le jeu des prisonniers acteurs, juste et convaincant, ne dément jamais. De même, bien qu'artisanale, la caméra encadre chaque verset avec un tact impressionnant. Au besoin, le film reprend son élan au fil de brèves incises documentaires sur la vie en prison, les réflexions des acteurs sur les enjeux de la pièce et, bien sûr, l'arrivée de la star rebelle - très appréciée - sur ce tournage insolite.A l'arrivée, Béatrice Dalle et son air de défi permanent sont tout à leur avantage dans ce rôle de princesse salvatrice bien que trahie et bientôt crucifiée. "Comme les détenus, explique Gilles Blanchard, elle est inattendue dans l'univers claudélien. Sans formation théâtrale, elle est aussi démunie qu'eux face à cette langue et la contrainte de la versification." A écouter ce film autant qu'on le regarde, on conviendra tout de même qu'elle a fort bien relevé le pari, honorant le rôle et le texte de tous ses atours d'actrice kamikaze. Aux dernières nouvelles, elle serait d'ailleurs partante pour étoffer son parcours inclassable d'expériences théâtrales. Avis aux amateurs.

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