mercredi 21 novembre 2007

Genepi et loi penitentiaire

Le GENEPI a été invité à participer aux travaux du comité d’orientation (COR) restreint sur la loi pénitentiaire. Ce comité a été installé le 11 juillet, il est composé de 27 membres et est chargé de proposer un document d’orientation qui guidera le gouvernement dans la rédaction du projet de loi et les parlementaires lors du vote de celle-ci à l’assemble.
Si la France ne s’est jamais dotée d’une loi pénitentiaire, plusieurs textes cadrent néanmoins les actions de l’administration, c’est le cas de la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire. Celle-ci dispose que « Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire.
Il est organisé de manière à assurer l'individualisation des peines. ».
Le 11 janvier 2006, la France a adopté avec l’ensemble des membres du conseil de l’Europe les nouvelles règles pénitentiaires Européennes. Cette troisième édition, après celle de 1973 et celle de 1987 a été publiée pour la première fois en France par le GENEPI dans le Passe-Murailles de mars-avril 2006. Ces règles ne sont pas juridiquement contraignantes mais de nombreuses personnes, chercheurs ou associations, en ont fait la promotion afin de les voir traduite et déclinées dans le droit positif Français.
La situation des prisons en France ne pouvait pas laisser indifférents les candidats à l’élection présidentielle. Ceux-ci ont été interrogés dans le cadre des « Etats généraux de la condition pénitentiaire » et le candidat Mr Sarkozy s’était prononcé en faveur d’une loi pénitentiaire.[1] Il a précisé plus tard que celle-ci devrait être « exigeante ».[2] Prenant en compte ces bonnes paroles, le garde des sceaux a définit la question de la loi pénitentiaire comme une priorité et a institué le comité d’orientation restreint pour travaille sur ce sujet dans un délai express. Le GENEPI s’est saisi de la question à bras le corps et propose dans ce cadre des modifications permettant une évolution très forte du milieu pénitentiaire.
Le GENEPI a donc tenté d'apporter au Comité quelques propositions qu'il veut ambitieuses pour la future loi en s'appuyant sur les différentes prises de positions de l'association :
La surpopulation carcérale nous inquiète en premier lieu. Au 1er septembre 2007 il y avait 11 591 détenus en surnombre. Aucune politique d’augmentation du parc pénitentiaire n’est ni réaliste, ni souhaitable. Une véritable politique pénale de déflation de la population carcérale doit être entreprise. Pour ce qui est de la prison, la règle d’un détenu par cellule doit être respectée au plus vite. Sur la question des sanctions prises dans le cadre de la détention, nous plaidons pour une extériorisation du contentieux disciplinaire. Nous nous positionnons pour un abaissement substantiel du nombre de jours maximum passés en quartier disciplinaire, celui-ci est actuellement de 45 jours, ce qui est une exception, une anomalie même, au regard des autres pays européens. Nous proposons que la durée maximale de jours en quartier disciplinaire ne puisse excéder le double de ce qui est imposé aux mineurs. Il s’agirait donc d’un maximum de 15 jours.
Dans le cadre d’une meilleure pris en compte du respect et de la protection de l’intimité du détenu, la fouille doit devenir l’exception et non plus la règle, la liberté de communication doit être largement facilitée, pour ce qui est du téléphone notamment.[3]
Tout doit être fait pour que la personne détenue qui est détentrice de ses droits civiques puisse les exercer en détention, le droit de vote doit devenir effectif. Pour faciliter l’exercice de ce droit comme rendre possible la perception de certaines aides et allocations la personne détenue devra pouvoir être domiciliée, si elle le souhaite, dans la commune sur laquelle la prison est installée. Au sujet du travail en détention, nous croyons qu’il est nécessaire que soit signé, entre les sous-traitant et le détenu, un contrat de travail aménagé. Pour reprendre le vocabulaire des RPE, la vie en détention doit être aussi étroitement que possible alignée sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison.[4] Le contenu de la peine doit être individualisé et adapté à chaque détenu. Un véritable parcours de réinsertion doit être mis en place avec des activités de formation et de soins, lorsque cela est nécessaire. L’attention portée à tous les détenus ayant un faible niveau scolaire doit être largement soutenue et les moyens de l’éducation nationale doivent être sur ce point considérablement renforcés. Le détenu doit être invité à participer à la vie de l’établissement, il faut qu’il devienne acteur de la détention et non plus seulement objet.[5] Nous pensons que doit être posé comme principe le fait que chaque peine doit prendre fin dans le cadre d’un aménagement en milieu ouvert.
Nous sommes tout à fait conscient qu’une modification du cadre carcéral ne peut pas se faire à moyens constants. Un véritable effort doit être fait au niveau du budget de la Justice et plus particulièrement sur les questions des mesures et sanctions pénales.
Si nous nous félicitons de la volonté politique de faire aboutir un projet complexe comme une loi pénitentiaire,[6] nous regrettons néanmoins que ce travail se fasse dans « un tunnel statistique » pour reprendre l’expressions de P.-V. Tournier[7] à propos du manque de lisibilité des chiffres de la population pénale tels qu’ils sont présentés par le Ministère de la Justice. Le GENEPI regrette également l’angle choisi pour aborder la question pénitentiaire. Comme Mme Poncela,[8] nous aurions souhaité que la prison soit abordée dans le cadre plus large d’un code de l’exécution des mesures et sanctions pénales afin de replacer la prison dans un ensemble de mesure. Faire une loi pénitentiaire, c’est prendre le risque de continuer à faire de la prison une peine de référence. A vouloir trop se concentrer sur l’institution carcérale, le COR risque de rester accroché au « récif prison » comme un bateau sur les hauts-fonds. C’est l’écueil auquel nous tenterons d’échapper en faisant la promotion des alternatives à l’incarcération tout particulièrement pour les courtes peines dont on sait qu’elles n’ont de sens que si elles sont très fortement suivies et individualisées.[9]
[1] http://www.etatsgenerauxprisons.org/NicolasSarkozy.pdf
[2] Déclaration du 3 avril dans Lyon hebdo, le candidat UMP s’engage « afin qu’il ne soit plus possible en France d’obliger un détenu à partager sa cellule », « je m’y engage le plus vite possible » a-t-il ajouté.
[3] RPE n°24 : « Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible […] avec leur famille, des tiers et des représentants d’organismes extérieurs, ainsi qu’à recevoir des visites desdites personnes. »
[4] RPE n°5.
[5] Il s’agit de la mise en place de la RPE 50.
[6] On rappellera pour mémoire que le projet de Loi pénitentiaire initié par Madame Lebranchu et qui avait fait l’objet de réflexions de qualité dans le cadre du Comité d’orientation stratégique (COS) a été déposé alors que le gouvernement Jospin n’était plus aux affaires.
[7] Directeur de recherches au CNRS, enseignant à l’Université Paris 1
[8] Professeur de droit pénal à l’université de Paris 10, membre du COR.
[9] Les travaux du COR prennent en compte et s’inspirent des études de la CNCDH, Sanctionner dans le respect des droits de l’homme 1- les droits de l’homme dans la prison, 2- les alternatives à la détention, 2007.

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