mercredi 21 novembre 2007

LE TRAVAIL EN PRISON : INTERIEUR / EXTERIEUR

Prise de position du G.E.N.E.P.I. Juin 2005

Résumé : Depuis 1987, travailler n’est plus une obligation mais un droit pour toute personne détenue. Moyen d’assurer sa subsistance et de dédommager les victimes, c’est aussi un gage reconnu de sa volonté de se réinsérer.
Le travail en détention, aujourd’hui en crise (moins d’un détenu sur trois travaille, fauted'offres d'emploi), doit être revalorisée. Faire entrer un droit du travail en prison y contribuerait. Malgré le faible niveau d’instruction de la population carcérale, les activités qualifiées sont à généraliser. Le GENEPI propose pour cela de parier avant tout sur la formation. Celle-ci doit pouvoir se poursuivre à l’extérieur, donc être cohérente avec un projet professionnel établi en début de peine et adaptée au marché du travail. Des partenaires publics et privés intervenant à l’extérieur doivent y participer systématiquement.
Ces actions en milieu fermé, nécessairement limitées par les contraintes inhérentes à la détention, doivent être complétées par le développement du travail et de la formation à l’extérieur dans le cadre des aménagements de peine ou des peines alternatives à l’incarcération.
Pour que ces efforts portent leurs fruits, les employeurs, au premier rang desquels l’Etat, doivent être sensibilisés à la nécessité de l’accueil des sortants de prison. Les futurs collègues doivent pouvoir dédramatiser l’arrivée de personnes encore stigmatisées par leur casier judiciaire.
Le travail, principal vecteur du lien social, composante essentielle de la vie de chacun d'entre nous, est à l'heure actuelle l'un des principaux leviers d'intégration sociale mis à la portée des personnes détenues, l'un des principaux tremplins de réinsertion sociale pour les sortants de prison. C'est dans cette double optique d'intégration et de réinsertion que s'inscrit notre démarche, que nous voulons complémentaire des travaux universitaires, administratifs ou politiques déjà menés sur la question, qui convergeront nous l'espérons sur une refonte structurelle de la politique du travail pénitentiaire.
Pour ne pas abandonner aux experts un sujet qui nous concerne tous, et parce que nous croyons que la société ne peut exclure sans assumer la responsabilité des conditions de la ré-inclusion, nous présentons cet aperçu de l'état des lieux du travail en prison, complété de quelques propositions que nous avons voulues aussi réalistes que possible.
Un droit, une nécessité
Depuis la loi de 1987, le travail n'est plus une obligation pour les détenus mais un droit, régi par les articles D99 à D111 du Code de procédure pénale.

Le travail en prison est une nécessité :
· pour les parties civiles (paiement des dommages et intérêts aux victimes)
· pour l'Administration pénitentiaire, qui a pour mission de permettre la réinsertion des personnes
détenues, et qui souhaite en outre maintenir la paix sociale en détention
· pour les personnes détenues, à qui le travail fournit de l'argent pour leur subsistance immédiate, pour celle de leur famille et en prévision de leur sortie ; une occasion de sortir de cellule et de rompre la monotonie des journées ; un moyen de donner du sens à leur peine et de préparer leur future réinsertion.
· pour la société tout entière : non seulement un devoir, mais aussi un intérêt bien compris. Rendre constructif le passage par la case prison, donner une seconde chance à ceux qui y sont passés, c'est aussi lutter contre la récidive et contre l'exclusion sociale.
Prise de position du G.E.N.E.P.I. Juin 2005

Cependant, le travail reste souvent un outil de gestion de la détention pour l'institution pénitentiaire ou un simple moyen de subsistance pour les personnes indigentes. La conception du travail comme châtiment et remède reste présente. En ces temps de surpopulation carcérale et de ralentissement économique, moins d'un détenu sur trois est au travail faute d'offres d'emploi.

Quels emplois pour les personnes détenues ?
• le travail en concession tout d'abord, pour le compte d'une entreprise privée qui installe un atelier en détention (rémunéré 17 euros bruts/jour en moyenne)
• le travail dans les ateliers de la R.I.E.P (régie industrielle des établissements pénitentiaires) pour le compte de l'Administration pénitentiaire (rémunéré 24,5 euros bruts/jour en moyenne)
• le service général, pour entretenir les locaux et pourvoir au bon fonctionnement de la prison (entre 6,5 et 12 euros nets/jour)
• le travail à l'extérieur, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de “placement à l'extérieur” ou, plus récemment, de placement sous surveillance électronique (un contrat de travail de droit commun est alors établi).


Pour un droit du travail
Pourtant, le travail, même en prison, est reconnu comme un droit fondamental. Il doit aussi s'accompagner d'une reconnaissance sociale, concrétisée par un salaire décent. Par un nouveau rapport aux outils, aux savoirs et aux autres, le travail peut permettre la transformation de soi et la réparation.
Le respect des droits au travail et du travail des personnes détenues s'inscrit donc dans un projet non pas caritatif (lutte contre l'indigence ou le désoeuvrement) ou sécuritaire (“moralisation” des détenus par la force) mais bien politique : faire du travail un facteur culturel fort, capable de transformer et de rassembler ceux qui y participent, lieu en somme de réinsertion concrète.
De plus, un droit du travail pénitentiaire contribuerait à revaloriser l'activité travail aux yeux des détenus. La mise en place d'un cadre normatif nous paraît en outre essentielle pour limiter un certain nombre d'abus, pour harmoniser les conditions de travail qui dépendent du règlement intérieur de chaque prison voire de chaque atelier, pour attirer des entreprises plus sérieuses et enfin pour apaiser le rapport à la loi que peuvent avoir ceux qu’elle sanctionne.
Par ailleurs, l’article D102 du Code de procédure pénale dispose que « L'organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre. »
En conséquence, le droit du travail ne doit plus se limiter aux garanties en terme d'hygiène et de sécurité. Doivent impérativement être introduits en détention les droits fondamentaux que sont dans le monde libre un salaire minimal proche du SMIC (pour tous, y compris les travailleurs du service général qui sont oubliés du petit “seuil minimum de rémunération” existant aujourd’hui), une compensation en cas de chômage technique, un droit à être indemnisé en cas de maladie ou d'accident, un temps de travail encadré pour tous les postes et compatible avec d'autres activités. De même, les cotisations sociales (chômage, assurance maladie...) à la charge des détenus doivent être harmonisées et être pleinement effectives à la sortie de prison. Un soutien financier de l’Etat dans l’esprit des « centres d’aide par le travail » est pour cela sûrement indispensable.
Enfin un acte juridique, un contrat de droit public ou privé, le plus proche du droit commun, s'impose. Il poserait le statut du travailleur, le contenu de son activité, ses droits et obligations ainsi que ceux de son employeur et de l’Administration pénitentiaire qui l’encadre. Ce document pourrait permettre également au sortant de prison d’avoir un certificat de travail et de faire valider ses acquis professionnels.
De sérieuses normes juridiques, adaptées aux contingences matérielles et juridiques de la détention, demanderaient un investissement et une responsabilisation des personnes publiques, des entreprises et des travailleurs, et seraient garantes d’une plus grande qualité des conditions de travail.


Prise de position du G.E.N.E.P.I. Juin 2005

Privilégier la formation professionnelle
Le travail proposé est très souvent non qualifié et non qualifiant. Il ne prépare en rien à la sortie et n'est pas valorisant, ce qui n'encourage pas des personnes en marge du monde du travail à s'y insérer.
Malgré le faible niveau d’instruction de la population carcérale (40% de la population carcérale ne dépasse pas le niveau primaire), les activités qualifiées sont à généraliser pour revaloriser le travail et la rémunération des personnes détenues. Le GENEPI propose pour cela de parier avant tout sur la formation.
Celle-ci doit pouvoir se poursuivre à l’extérieur, donc être cohérente avec un projet professionnel établi en début de peine et être adaptée au marché du travail.
Les organismes de formation professionnelle financés par l'Etat, soumis à une obligation de résultat, sélectionnent les détenus susceptibles de réussir en venant prendre les meilleurs éléments dans les ateliers.
Ces derniers enchaînent des formations sans lien cohérent entre elles, juste parce qu'ils ont le bon profil, à l'exclusion d'autres qui en auraient davantage besoin. Une prise en compte des projets des personnes détenues pour l'accès à une formation permettrait d'utiliser cet argent de façon à obtenir un résultat en terme de réinsertion et pas seulement en terme de suivi de la formation. Cela permettrait en outre de réduire une certaine discrimination entre personnes détenues.
Les détenus qui n'ont d'autres ressources que le travail sont encore trop souvent exclus des formations générales qui ne sont pas rémunérées. La journée continue, qui permet de concilier travail et formation, n'est mise en place que dans une quarantaine d'établissements sur les 188 que compte notre pays. Nous ne doutons pas que les acteurs du monde pénitentiaire sauront trouver les solutions nécessaires pour que ce système se généralise. A défaut, il faudra songer à généraliser la rémunération des formations.
En maison d'arrêt, là où la majorité des détenus reste moins d'un an, initier une formation est indispensable, mais vain si des relais n'existent pas avec des dispositifs à l'extérieur.

Liens intérieur/extérieur
Le temps de la réinsertion ne se limite pas au temps de l'incarcération. L'Administration pénitentiaire doit continuer à établir des liens avec des partenaires extérieurs, de façon à favoriser la continuité des actions entreprises, tant en terme de formation générale ou professionnelle que de recherche d'emploi ou d'accès aux droits sociaux.
Nous sommes convaincus que l'Administration pénitentiaire en a pleinement conscience, ainsi que le législateur, qui a prévu des aménagements de fin de peine à cet effet. Mais sans ressource et sans personnel adéquat, ces mesures ne peuvent qu'échouer.
Les personnes détenues ayant travaillé doivent pouvoir bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience (V.A.E.).
Pour que ces efforts portent leurs fruits, encore faut-il que le monde du travail soit prêt à accueillir des personnes ayant un passé pénal. La réinsertion professionnelle de ces personnes serait facilitée si l'accès au casier judiciaire était d'avantage restreint. A ce sujet, il est regrettable que l'Etat exige un casier judicaire vierge à toute personne souhaitant intégrer la fonction publique, et ce quelque soit le poste. A tout le moins, il pourrait donner l'exemple aux entreprises en accueillant des sortants de prison dans les sociétés d'économie mixte. Les employeurs doivent être sensibilisés à la nécessité de l’accueil des sortants de prison. Les futurs collègues doivent pouvoir dédramatiser l’arrivée d'anciens détenus.
Les contraintes inhérentes à la détention et notamment celles liées à la sécurité, ajustées sur les individus qui posent le plus de problèmes à ce niveau, gênent considérablement le travail et la formation.
Par conséquent, nous suggérons, après le député Warsmann, que la prison n'est pas la réponse adaptée pour tous les délinquants qui ne posent pas de véritables problèmes de sécurité. La lutte contre la récidive passe d'abord par une réinsertion réussie. Comme l'ont bien compris nos voisins nordiques, les aménagements de peine et les peines alternatives (placement à l'extérieur, semi-liberté, sursis avec mise à l'épreuve effectivement encadré) permettent une mise en oeuvre plus facile des activités nécessaires à cette réinsertion que sont le travail et la formation et sont à privilégier absolument.

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