lundi 30 mars 2009

Le samedi 4 avril 2009 à 17h30


Rencontre avec Catherine Herszberg, pour une présentation de "Fresnes, histoires de fous"



"J´ai voulu témoigner de la façon dont notre société traite ses marges et, partant, de son état. Le constat est malheureusement terrible." explique Catherine Herszberg. journaliste indépendante, qui a notamment écrit deux ouvrages, en association avec des chercheurs, sur la santé et les questions sanitaires.

Ce livre est parti d’un constat : la prison est devenue un asile psychiatrique. Un prisonnier sur cinq souffre de troubles mentaux. Catherine Herszberg a donc choisi d’aller enquêter là où échouent ceux qui n’ont plus de place nulle part, ni à l’hôpital ni ailleurs.

De décembre 2005 à avril 2006, elle a accompagné l’équipe psychiatrique de la prison de Fresnes. Introduite et guidée par Christiane de Beaurepaire, chef du service, elle a suivi les prisonniers, les malades, les soignants, les surveillants. Elle a circulé partout, écouté, regardé, interrogé les uns et les autres, et a rapporté de ce voyage des histoires. Des histoires de fous. Des fous que les prisons de France se refilent comme des " patates chaudes ". Des fous qui échouent de plus en plus souvent au mitard. Des fous qui, au fond de leur cellule, s’enfoncent chaque jour davantage dans la maladie mentale. Des fous trop fous pour les hôpitaux psychiatriques qui, faute de moyens, ne peuvent plus les accueillir.

De ce séjour dans un recoin obscur de notre société, l’auteur revient avec des questions. Criminaliser la maladie mentale, c’est faire un prodigieux bond en arrière. Pourquoi cette régression ? Que penser d’une société qui enferme derrière des murs ses pauvres, ses marginaux, ses malades mentaux ? Si l’on juge de l’état d’une civilisation au sort qu’elle réserve à ses marges, alors la nôtre va mal.

Librairie Résistances
4 Villa compoint
75017 Paris


Quel futur pour les jeunes délinquants ?


Signez la pétition soutenue par le GENEPI:

http://quelfuturpourlesjeunesdelinquants.fr/

Qui ne s’est pas interrogé, un jour, sur la façon de réagir face à des actes de délinquance commis par des enfants et des adolescents ?

Le législateur souhaite réformer l’ordonnance du 2 février 1945 et nous sommes tous concernés par les débats qui vont s’engager : comment apprendre à un enfant ou à un adolescent le respect de la loi pénale et le respect de l’autre ? A quels engagements sommes-nous prêts, nous les adultes, pour répondre efficacement à la délinquance des jeunes ?… qui peuvent être le fils de notre voisin, l’une de nos élèves, un jeune cousin, notre fils ou petit-fils.

Il est tout à fait légitime que la société exprime ses inquiétudes et fasse entendre ses demandes en terme de sécurité et d’attention portée aux victimes et nous acceptons certaines propositions intéressantes du rapport Varinard.

Mais nous voulons aussi témoigner et faire entendre notre expérience d’hommes et de femmes et pour beaucoup d’entre nous, notre expérience professionnelle, multiple et complémentaire, dans un domaine particulièrement complexe.

Nous voulons que nos parlementaires entendent notre volonté de citoyens d’aborder la question de la délinquance des jeunes autrement que sous le seul angle de la défiance, de l’insécurité et de l’exclusion. Nous voulons témoigner des particularités des actes de délinquance commis par des adolescents et des processus à l’oeuvre pour (ré)apprendre la loi pénale à l’âge où l’enfant et l’adolescent sont en train de construire leur personnalité .

Nous voulons témoigner que contrairement aux idées reçues, la justice apporte déjà, depuis de nombreuses années, des réponses répressives et sévères aux actes de délinquance des jeunes. Pourquoi renforcer toujours plus cette orientation alors que l’actualité ne confirme pas son efficacité ?

Nous refusons les propositions de réforme portant atteinte aux droits de l’enfant et aux engagements internationaux de la France, comme l’enfermement des enfants de 12 ans (voir responsabilité pénale, détention, conventions internationales).

Pourquoi juger les adolescents comme s’ils étaient déjà des majeurs en créant, par exemple, un tribunal correctionnel des mineurs ? Pourquoi même, dans certains cas, les soumettre à des régimes plus sévères que celui des majeurs ?

Nous refusons les propositions de réforme qui banalisent l’enfermement des enfants et des adolescents et qui donnent l’illusion qu’il suffit de punir ou de contraindre pour faire évoluer l’enfant ou l’adolescent …et ses parents.

Pourquoi appauvrir la qualité des décisions du Tribunal pour enfants en réduisant le rôle des représentants de la société civile que sont les assesseurs de ce tribunal ?

Nous refusons les propositions de réforme qui confirment le désengagement de la PJJ et de l’Etat dans la protection de l’enfance en danger et dans les mesures d’accompagnement des jeunes majeurs. Ce désengagement fait écho à celui qui se manifeste déjà en matière d’éducation, de santé, d’insertion, de logement… . Il renforce l’illusion que tout est affaire de volonté personnelle et que les difficultés peuvent se traiter indépendamment des fragilités sociales auxquelles sont confrontés certains parents et enfants.

Au-delà même de ces analyses juridiques il faut oser dénoncer l’inefficacité de ces propositions de réforme pour endiguer la récidive. Elles s’appuient sur l’automaticité et l’escalade dans les réponses et ne prennent pas assez en compte l’évolution de l’adolescent qui peut alterner périodes de crise et d’apaisement. Nous proposons des juridictions de la jeunesse, véritablement spécialisées et respectueuses des seuils de maturité que les enfants et les adolescents franchissent progressivement. Nous proposons que la procédure permette d’alterner avec souplesse les mesures d’éducation et de répression, en cohérence avec le parcours de l’adolescent.

Il faut oser dénoncer le « tout pénal » comme seule réponse politique aux violences individuelles ou collectives des jeunes et refuser le dénigrement du travail de lien que tissent, sur le terrain, les citoyens, les élus, les bénévoles et les professionnels qui sont au contact des enfants et des adolescents en grandes difficultés. Nous proposons de réhabiliter le travail associatif, social, éducatif et thérapeutique, comme corollaire fondamental de l’intervention judiciaire.

Il faut oser dénoncer les sommes qui sont consacrées à l’enfermement des enfants et des adolescents au détriment des mesures de prévention et d’accompagnement éducatif. Nous proposons de les employer à développer les réponses sociales, éducatives et thérapeutiques aujourd’hui menacées, à soutenir l’aide aux familles, à permettre l’accès aux soins des enfants et adolescents en difficultés et à favoriser les réponses innovantes dans tous ces domaines.

Il faut oser dénoncer l’absurdité du « découpage » de l’enfant ou de l’adolescent en mauvais élève, enfant malade, enfant en danger, mineur délinquant … et le cloisonnement insidieux des services de l’Education Nationale, des Conseils Généraux, de la Santé et de la Justice, tout comme le projet, parfois évoqué, de créer un juge des enfants pour les enfants en danger et un autre pour les délinquants. Nous proposons de favoriser le travail en réseau des professionnels et des services pour que l’enfant ou l’adolescent en grandes difficultés soit considéré comme un sujet, digne de la mobilisation des adultes et de la société.

Nous voulons contribuer au débat démocratique qui va s’engager au Parlement pour réformer l’ordonnance du 2 février 1945.

Nous lançons cet appel pour que nos parlementaires prennent en compte nos inquiétudes, nos analyses et nos propositions lors de l’adoption de cette réforme qui engagera notre société sur la façon dont elle veut traiter sa jeunesse.

Une loi pénitentiaire sans vision - Le Monde

02/03/2009 - Libération

Une loi pénitentiaire sans vision

Marie-Paule Héraud présidente de l’Association nationale des visiteurs de prison, Arnaud Philippe président du Genepi (Groupement étudiant national d’enseignement des personnes incarcérées)et Gilles Sobieski président de la Farapej (Fédération des associations réflexion action prison et justice).

Nous représentons plus de 5000 citoyens bénévoles intervenant chaque jour au sein de l’univers carcéral. Individuellement et collectivement, nous accompagnons et aidons toute personne détenue - quelle qu’elle soit et quoi qu’elle ait pu commettre - à se réinsérer après avoir purgé sa peine. Au-delà des valeurs humanistes qui nous animent, nous sommes des observateurs éclairés de ce qui se vit au sein des prisons et, comme d’autres experts, nous voulons nous exprimer sur toute modification législative permettant de donner un sens positif - pour l’homme et la société - à la peine de prison.

Le projet de loi pénitentiaire qui va être soumis demain aux parlementaires ne s’avère pas à la hauteur des attentes des partenaires de l’administration pénitentiaire que nous sommes. Il ne répond pas de façon satisfaisante à la situation extrêmement critique des personnes détenues ni aux besoins des services de réinsertion et des personnels de surveillance.

Certaines avancées comme les aménagements de peine ouvrent des pistes intéressantes dont il conviendra de mesurer l’impact réel : elles apportent du sens à la peine en rappelant qu’enfermement et sanction ne sont pas synonymes et que toute peine de prison doit permettre la réinsertion. Pour l’heure cependant, elles semblent répondre d’abord à une logique d’ajustement conjoncturel pour le désengorgement des prisons.

Le projet de loi en l’état actuel est bien en deçà d’une loi d’orientation telle qu’annoncée par la garde des Sceaux dès sa nomination : aucune vision claire de ce que doit être la peine à l’intérieur des murs de la prison ne se dégage, faute de clarification des missions de l’administration pénitentiaire. Ces missions restent définies en creux : la garde est en fait la fonction principale, des motifs d’ordre ou de sécurité pouvant justifier la restriction de presque tous les droits fondamentaux des détenus ; la réinsertion, elle, reste secondaire.

Alors que la France est régulièrement pointée du doigt - notamment par la Cour européenne des droits de l’homme - à propos de ses prisons, alors que notre pays a présidé l’Union européenne durant six mois, nous espérions que les règles pénitentiaires européennes seraient largement prises en compte : elles le sont mais a minima. Ainsi, le report de l’encellulement individuel en 2012 pour les personnes placées en détention est d’autant plus insupportable qu’il est inscrit dans la loi depuis juin 2000 !

Notre déception est donc forte, mais nous sommes aussi très inquiets de l’absence de réponses convaincantes à cette question essentielle : nos prisons vont-elles enfin être utiles ? Rien n’est moins sûr.

Comment atténuer sérieusement les risques de récidive sans augmenter réellement le personnel dédié à la préparation à la sortie ? Comment développer efficacement les alternatives à l’emprisonnement sans assurer à l’institution judiciaire les moyens nécessaires au suivi permanent et sécurisé des personnes qui en bénéficieront ? Comment donner la possibilité à la personne condamnée de réparer le tort causé aux victimes et à la société sans lui assurer l’accès à un travail justement rémunéré en prison et une formation facilitant l’obtention d’un emploi à sa sortie ? Sur tous ces aspects, le projet de loi reste très discret, renvoyant à des décrets ultérieurs hors du débat parlementaire. Certes des progrès sensibles viennent d’être apportés par les amendements que propose le sénateur Jean-René Lecerf. Mais ils sont encore insuffisants.

La société à laquelle nous appartenons se jugeant aussi sur l’état de ses prisons, nous allons poursuivre dans les semaines à venir des actions de sensibilisation auprès des parlementaires pour que cette loi pénitentiaire ait du sens. Ainsi, pour que les droits non retirés par une décision de justice puissent être exercés par la personne incarcérée, il convient que les ministères concernés (Santé, Travail, Education nationale, Logement) s’impliquent plus fortement et assument la mission de service public qu’ils ont vis-à-vis de toutes les personnes vivant en France, à l’intérieur comme à l’extérieur des murs de la prison. Pour que les citoyens et leurs élus exercent à bon escient leur jugement et leur droit d’expression sur nos prisons, il est indispensable que cette loi pénitentiaire, en tant que politique publique, soit assortie d’une procédure d’évaluation démocratique et publique.

Pour combattre la désinformation de nos concitoyens par des discours démagogiques sur la dangerosité et les risques de récidives, les pouvoirs publics et le personnel politique ont une mission pédagogique et urgente à engager : montrer ce qu’est la prison et expliquer ce qu’elle devrait être.

dimanche 29 mars 2009

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lundi 2 mars 2009

Loi pénitentiaire: refuser ce rendez-vous de dupes

Source : libération

Le projet de loi pénitentiaire, qui est examiné à partir de mardi au Sénat, témoigne de la détermination de l’administration pénitentiaire à faire échec à toutes velléités réformatrices.


PATRICK MAREST est délégué national de l’Observatoire international des prisons.

Le projet de loi pénitentiaire est examiné à partir de mardi au Sénat. Là même où le constat dressé à l’issue des travaux des commissions d’enquête parlementaires, en 2000, fut le plus accablant. Il n’est pas inutile d’en rappeler la conclusion, qui donnât son titre au rapport sénatorial : «Prisons: une humiliation pour la République». Près de neuf années nous séparent de ce moment singulier où les élus de tous bords posèrent un regard lucide sur le désastre humain et social des conditions de vie et de travail derrière les barreaux. Mais, aussi et surtout, où ils prirent conscience, dans la foulée du Premier président de la cour de cassation, Guy Canivet, d’une autre dimension de la réalité carcérale. Celle d’un monde à part, hors norme, «régi par du sous-droit», au sein duquel l’exercice des droits fondamentaux de la personne détenue est subordonné «à ce qui est objectivement, voire subjectivement, compatible avec l’ordre, la discipline et la sécurité, les “droits” tendant alors à devenir des faveurs, des privilèges accordés ou retirés selon ces impératifs, voire à être annihilés».

Face à ce constat, celui qui était alors le plus haut magistrat de France préconisait l’intervention du législateur pour déterminer un régime de détention «conforme aux principes fondamentaux d’un Etat régi par la prééminence du droit et l’objectif primordial de la garantie des droits de l’homme». Le Parlement devait dès lors être guidé par la conviction que «pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n’y a d’autre solution que de rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l’extérieur, la société carcérale de la société civile.»

Nous étions en 2000 et cette réforme du droit de la prison n’a jamais trouvé place dans l’agenda politique. Parce que priorité fut donnée à la réorientation radicale de la politique pénale vers un accroissement et un durcissement de la répression, notamment à l’égard des récidivistes. Mais aussi, et peut-être surtout, parce que la révolution culturelle et juridique promue par le rapport Canivet, et à sa suite par l’ensemble des instances nationales et internationales de protection des droits de l’homme, n’a jamais trouvé grâce aux yeux de l’institution carcérale. La nature du projet de loi déposé par le gouvernement sur le bureau du Sénat en juillet dernier témoigne de la détermination de l’administration pénitentiaire à faire échec à toutes velléités réformatrices qui aboutiraient à la priver de sa mainmise sur les règles du jeu intramuros ou à minorer son emprise sur les personnes dont elle a la charge.

Les tenants et les aboutissants des enjeux du texte qu’elle a déféré au Parlement sont explicites. L’objectif premier que s’est fixé l’administration pénitentiaire au travers de la loi est de balayer «une approche égalitaire des détenus, qui restreint la possibilité de créer des catégories, qui interdit de considérer que telle caractéristique prédispose à tel comportement», l’ayant empêché «de parvenir à une véritable classification des détenus». Il s’agit avant tout, sous couvert du postulat selon lequel l’hétérogénéité de la population incarcérée oblige à la différenciation des régimes de détention, de perpétuer la compétence qui lui est aujourd’hui concédée de moduler à sa guise l’effectivité des droits éventuellement reconnus par le législateur. Autrement dit, à défaut de pouvoir s’opposer à la poussée inexorable des droits des détenus, l’administration pénitentiaire prend les devants en tentant de préserver l’essentiel de son pouvoir discrétionnaire.

Qu’importe si la notion de «dangerosité» qu’elle retient comme pierre angulaire de ses critères de classification n’a aucune assise scientifique, et pas davantage de justification empirique. Qu’importe si cette institutionnalisation de l’arbitraire dans les décisions d’affectation des détenus ne manquera pas de susciter une série de dérives et d’incidents qui viendront alimenter le discrédit qui frappe d’ores et déjà l’institution et accroître le climat délétère qui règne derrière les murs. L’enjeu immédiat est de se préserver des foudres des juridictions administratives, et au premier chef du Conseil d’Etat qui ne manquera pas de relever l’absence de base juridique de ces régimes différenciés, expérimentés à l’abri du regard du législateur depuis quelques années. La gestion sécuritaire des détentions est à ce prix. Et là réside l’essentiel de la commande politique.

Dans ces conditions, la décision gouvernementale de déclarer l’urgence sur le projet de loi doit être interprétée à sa juste valeur. La procédure retenue vise concrètement à faire obstacle à ce que la représentation nationale puisse exercer pleinement ses responsabilités au travers d’une double lecture dans les deux chambres. Il ne tient qu’aux parlementaires de ne pas se laisser déposséder du «grand rendez-vous de la France avec ses prisons» annoncé par la Garde des Sceaux dès l’été 2007, ajourné depuis lors sans la moindre explication et désormais précipité sans raison.

La qualité exceptionnelle de la démarche d’analyse et de mise en perspective à laquelle ils s’astreignirent dans le cadre de leurs commissions d’enquête suggère d’adopter désormais une attitude en rapport avec cet engagement d’antan. La hauteur de la fonction dévolue au législateur l’appelle dans un même mouvement à sanctionner d’un vote négatif unanime le texte qui lui est proposé, et à organiser la mise en chantier immédiate d’une réforme de la prison digne de ce nom.