lundi 16 novembre 2009

16ième Journées Nationales Prison à Paris X


Dans le cadre des Journées Nationales Prison, le GENEPI Nanterre organise avec l'Association Nationale des Visiteurs de Prison une conférence-débat ayant pour thème "la citoyenneté ne s'arrête pas aux portes des prisons".


Cette conférence aura lieu le mercredi 25 novembre à 18h00 dans l'amphithéâtre S1 de l'UFR de Sport de l'Université Paris X Nanterre.


Monsieur Pascal Vion (directeur de la Maison d'Arrêt de Nanterre), monsieur Jean Caël (responsable au Secours Catholique) et monsieur Yazid Kherfi (ancien détenu et consultant en prévention urbaine) seront invités à partager leur compréhension de la citoyenneté en milieu carcéral.


Pour plus d'informations:

lundi 13 juillet 2009

Forum de prévention à la Maison d'arrêt des Hauts de Seine


Le GENEPI participe ce jeudi 9 juillet 2009 au forum de prévention organisé à la maison d'arrêt des Hauts-de-Seine à Nanterre.

Organisé par l'Institut des Hauts-de-Seine, le Conseil général, GEPSA et l'administration pénitentiaire, ce forum est l'occasion de faire entrer dans la prison les acteurs locaux pouvant soutenir les personnes incarcérées dans leurs démarches de réinsertion. A Nanterre, ces dernières sont à peu près 900 pour 600 places.

Sur le terrain de sport de la prison, les détenus ont ainsi la possibilité de glaner des informations de stands en stands sur différents thèmes :
  • Médecine générale (cardiologie, nutrition, hygiène, dépendance...)
  • Insertion sociale et partenariat entreprises,
  • Environnement,
  • Activités sportives et loisirs,
  • psychologues et écrivain public,
  • associations ...

Nanterre : Trop de monde à la maison d’arrêt

Le Parisien - Valérie Mahaut | 04.07.2009, 07h00

Les audiences ont démarré de manière inhabituelle hier au tribunal correctionnel de Nanterre. Les représentants des avocats du barreau des Hauts-de-Seine, au premier rang desquels le bâtonnier Philippe-Henri Dutheil, ont vertement dénoncé la situation déplorable de la maison d’arrêt de Nanterre, à l’occasion d’une « journée d’action » organisée par la Conférence des bâtonniers.


Ils ont réclamé que les prévenus ne soient « pas condamnés à des peines d’emprisonnement ferme en raison de la surpopulation carcérale », encourageant des placements sous contrôle judiciaire, pour que personne ne rejoigne les cellules de 9 m 2 de Nanterre, souvent occupées par trois ou quatre personnes.

Une surpopulation qui atteint 157 %

Si l’établissement est plutôt « bien tenu », précise le bâtonnier, la surpopulation y dépasse largement la moyenne nationale. Les geôles françaises enregistrent une suroccupation de 125 % environ. A Nanterre, avec 935 détenus pour une capacité réelle de 594 places, ce taux atteint 157 %, ce qui rend la situation pour le moins « préoccupante », comme le relève Philippe-Henri Dutheil. « Il faut arrêter l’emprisonnement ferme systématique », s’agace le bâtonnier. D’autant qu’« on sait que les détenus en sortent parfois plus violents et plus délinquants, tant les conditions de détention sont explosives. Ce qui démontre la faillite du système qu’il faut entièrement revoir ».
Le avocats du barreau des Hauts-de-Seine vont d’ailleurs se pencher sur les conséquences familiales et sociales de l’enfermement des détenus, et leur retour à la vie sociale. « Les détenus se posent plein de questions qui ne trouvent pas de réponse en prison. Que se passe-t-il quand ils ont pris un crédit pour l’achat d’une voiture, puisqu’ils ne peuvent plus rembourser ? Comment payer une pension alimentaire quand on est enfermé ? Le contrat de travail conclu avant la prison est-il toujours valable en sortant ? » Pour répondre à ces questions, les avocats se rendront tous les mois à la maison d’arrêt, à partir de la mi-septembre, pour des rencontres de deux heures avec les détenus.

Le Parisien.

mercredi 8 avril 2009

Prisons : pour le contrôleur général des prisons, la "sécurité passe aussi par le respect de l'intimité"

Le Monde, le 8 avril 2009

"Devoir être examinée par un chirurgien en présence des surveillantes a été pour moi une grande humiliation… De plus, en restant menottée, avec la chaîne ! Vous comprendrez à quel point je me sens aujourd'hui considérée comme une bête."
Cette lettre d'une détenue a été placée par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, au centre de son rapport annuel, rendu public mercredi 8 avril. La prisonnière, opérée dans un service d'urologie, confie qu'elle préfère à l'avenir mettre sa "santé en danger" que "d'être humiliée encore une fois".

Même privée de sa liberté, une personne ne doit pas voir son intimité sacrifiée aux impératifs de sécurité, affirme le contrôleur général, dont c'est le premier rapport depuis sa nomination en juin 2008. En garde à vue, en prison, dans les centres de rétention et dans les hôpitaux psychiatriques, M. Delarue et la vingtaine de contrôleurs de son équipe ont recensé de nombreuses atteintes à ce droit "qui est une part de la dignité humaine". Dans tous ces lieux, regrettent-ils, "la recherche de sécurité prévaut sur la préservation de la personnalité". En outre, "les conditions de viegénèrent en elles-mêmes des atteintes à l'intimité".

La prison, où vivent 63000 personnes, est "le lieu le plus difficile pour la sauvegarde de l'intimité". Cela commence par les fouilles à corps portant jusqu'aux parties intimes : "Dans certains endroits le détenu dénudé [peut] se voir exposé à d'autres regards que celui du surveillant procédant à la fouille." Ces fouilles se répètent à chaque entrée et sortie, pour aller à l'hôpital par exemple, où le détenu est menotté, "ce qui en fait une sorte de pilori moderne", écrit M. Delarue.

"ATTEINTE À LA DIGNITÉ"

La surpopulation empêche toute intimité. Le rapport donne l'exemple d'une cellule de 10,5 m2 avec trois lits et un matelas au sol. Le cloisonnement des WC est insuffisant : "Dans la plupart des cellules, les personnes assises sur la cuvette doivent maintenir ouverts les battants de porte." Il s'agit là, pour M. Delarue, d'"une atteinte à la dignité". La lettre de la détenue au contrôleur témoigne bien, selon lui, que "l'accès au soin ne respecte pas la confidentialité de la situation médicale". Dans un établissement, les dossiers médicaux sont accessibles aux surveillants. L'intimité est, aussi, difficile à obtenir dans les relations avec la famille. La durée des parloirs est "trop limitée". Plus généralement, "le système pénitentiaire a de mauvaises relations avec les familles de détenus".

Dans les centres de rétention, qui abritent 35000 étrangers, les atteintes à l'intimité sont aussi fréquentes. Au-delà de la fouille, le contrôleur juge inexplicable le fait d'interdire les stylos et crayons dans certains centres pour des raisons de sécurité. Alors qu'elles sont en principe libres, les visites aux personnes retenues ont parfois lieu dans des espaces ouverts sans possibilité de s'isoler.

Au quotidien, les retenus subissent une vie en commun vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils doivent partager leur chambre avec deux, trois, voire six personnes. Souvent, ils ne disposent même pas d'un placard fermant à clé pour leurs effets personnels. Ils sont contraints d'utiliser des sanitaires communs. C'est en garde à vue (578000 comptabilisées en 2008) que l'intimité des personnes est "la plus malmenée".

Là, l'omniprésence de la sécurité écarte de façon "manifeste" toute prise en compte de cette préoccupation. Les cellules des locaux de police et de gendarmerie sont les "lieux les plus médiocres des locaux administratifs les plus médiocres". Fermées par une grille ou une façade vitrée, les cellules sont sous constante surveillance. La lumière, souvent maintenue de jour comme de nuit, comme la dimension de la cellule empêchent tout repos réel. Une situation d'autant plus grave, que certains gardés à vue sont jugés en comparution immédiate, juste après leur sortie.

Pour illustrer ces excès, le contrôleur a pris le ton d'une "fable" : "Le soutien-gorge et les lunettes", objets retirés car considérés comme dangereux au même titre que les lacets et les chaussures. Pourtant, relève-t-il, "on conçoit difficilement que la baleine [de soutien-gorge] devienne un tranchant redoutable. (…) La chronique des commissariats et des brigades recèle peu de récits d'attaques au soutien-gorge…".

Pour M. Delarue, il n'est pas possible de laisser se développer sans limites les mesures de sécurité. "La sécurité, insiste-t-il, passe aussi par le respect de l'intimité nécessaire, puisque la vie dans les lieux de privation de liberté sera d'autant plus pacifiée que les droits de la personne y sont reconnus." Cela vaut pour les établissements concernés, mais aussi pour le reste de la société : "Il n'y aura de modifications importantes en prison qu'au jour où l'opinion aura compris que sa propre sécurité passe par une amélioration substantielle de la détention."

lundi 30 mars 2009

Le samedi 4 avril 2009 à 17h30


Rencontre avec Catherine Herszberg, pour une présentation de "Fresnes, histoires de fous"



"J´ai voulu témoigner de la façon dont notre société traite ses marges et, partant, de son état. Le constat est malheureusement terrible." explique Catherine Herszberg. journaliste indépendante, qui a notamment écrit deux ouvrages, en association avec des chercheurs, sur la santé et les questions sanitaires.

Ce livre est parti d’un constat : la prison est devenue un asile psychiatrique. Un prisonnier sur cinq souffre de troubles mentaux. Catherine Herszberg a donc choisi d’aller enquêter là où échouent ceux qui n’ont plus de place nulle part, ni à l’hôpital ni ailleurs.

De décembre 2005 à avril 2006, elle a accompagné l’équipe psychiatrique de la prison de Fresnes. Introduite et guidée par Christiane de Beaurepaire, chef du service, elle a suivi les prisonniers, les malades, les soignants, les surveillants. Elle a circulé partout, écouté, regardé, interrogé les uns et les autres, et a rapporté de ce voyage des histoires. Des histoires de fous. Des fous que les prisons de France se refilent comme des " patates chaudes ". Des fous qui échouent de plus en plus souvent au mitard. Des fous qui, au fond de leur cellule, s’enfoncent chaque jour davantage dans la maladie mentale. Des fous trop fous pour les hôpitaux psychiatriques qui, faute de moyens, ne peuvent plus les accueillir.

De ce séjour dans un recoin obscur de notre société, l’auteur revient avec des questions. Criminaliser la maladie mentale, c’est faire un prodigieux bond en arrière. Pourquoi cette régression ? Que penser d’une société qui enferme derrière des murs ses pauvres, ses marginaux, ses malades mentaux ? Si l’on juge de l’état d’une civilisation au sort qu’elle réserve à ses marges, alors la nôtre va mal.

Librairie Résistances
4 Villa compoint
75017 Paris


Quel futur pour les jeunes délinquants ?


Signez la pétition soutenue par le GENEPI:

http://quelfuturpourlesjeunesdelinquants.fr/

Qui ne s’est pas interrogé, un jour, sur la façon de réagir face à des actes de délinquance commis par des enfants et des adolescents ?

Le législateur souhaite réformer l’ordonnance du 2 février 1945 et nous sommes tous concernés par les débats qui vont s’engager : comment apprendre à un enfant ou à un adolescent le respect de la loi pénale et le respect de l’autre ? A quels engagements sommes-nous prêts, nous les adultes, pour répondre efficacement à la délinquance des jeunes ?… qui peuvent être le fils de notre voisin, l’une de nos élèves, un jeune cousin, notre fils ou petit-fils.

Il est tout à fait légitime que la société exprime ses inquiétudes et fasse entendre ses demandes en terme de sécurité et d’attention portée aux victimes et nous acceptons certaines propositions intéressantes du rapport Varinard.

Mais nous voulons aussi témoigner et faire entendre notre expérience d’hommes et de femmes et pour beaucoup d’entre nous, notre expérience professionnelle, multiple et complémentaire, dans un domaine particulièrement complexe.

Nous voulons que nos parlementaires entendent notre volonté de citoyens d’aborder la question de la délinquance des jeunes autrement que sous le seul angle de la défiance, de l’insécurité et de l’exclusion. Nous voulons témoigner des particularités des actes de délinquance commis par des adolescents et des processus à l’oeuvre pour (ré)apprendre la loi pénale à l’âge où l’enfant et l’adolescent sont en train de construire leur personnalité .

Nous voulons témoigner que contrairement aux idées reçues, la justice apporte déjà, depuis de nombreuses années, des réponses répressives et sévères aux actes de délinquance des jeunes. Pourquoi renforcer toujours plus cette orientation alors que l’actualité ne confirme pas son efficacité ?

Nous refusons les propositions de réforme portant atteinte aux droits de l’enfant et aux engagements internationaux de la France, comme l’enfermement des enfants de 12 ans (voir responsabilité pénale, détention, conventions internationales).

Pourquoi juger les adolescents comme s’ils étaient déjà des majeurs en créant, par exemple, un tribunal correctionnel des mineurs ? Pourquoi même, dans certains cas, les soumettre à des régimes plus sévères que celui des majeurs ?

Nous refusons les propositions de réforme qui banalisent l’enfermement des enfants et des adolescents et qui donnent l’illusion qu’il suffit de punir ou de contraindre pour faire évoluer l’enfant ou l’adolescent …et ses parents.

Pourquoi appauvrir la qualité des décisions du Tribunal pour enfants en réduisant le rôle des représentants de la société civile que sont les assesseurs de ce tribunal ?

Nous refusons les propositions de réforme qui confirment le désengagement de la PJJ et de l’Etat dans la protection de l’enfance en danger et dans les mesures d’accompagnement des jeunes majeurs. Ce désengagement fait écho à celui qui se manifeste déjà en matière d’éducation, de santé, d’insertion, de logement… . Il renforce l’illusion que tout est affaire de volonté personnelle et que les difficultés peuvent se traiter indépendamment des fragilités sociales auxquelles sont confrontés certains parents et enfants.

Au-delà même de ces analyses juridiques il faut oser dénoncer l’inefficacité de ces propositions de réforme pour endiguer la récidive. Elles s’appuient sur l’automaticité et l’escalade dans les réponses et ne prennent pas assez en compte l’évolution de l’adolescent qui peut alterner périodes de crise et d’apaisement. Nous proposons des juridictions de la jeunesse, véritablement spécialisées et respectueuses des seuils de maturité que les enfants et les adolescents franchissent progressivement. Nous proposons que la procédure permette d’alterner avec souplesse les mesures d’éducation et de répression, en cohérence avec le parcours de l’adolescent.

Il faut oser dénoncer le « tout pénal » comme seule réponse politique aux violences individuelles ou collectives des jeunes et refuser le dénigrement du travail de lien que tissent, sur le terrain, les citoyens, les élus, les bénévoles et les professionnels qui sont au contact des enfants et des adolescents en grandes difficultés. Nous proposons de réhabiliter le travail associatif, social, éducatif et thérapeutique, comme corollaire fondamental de l’intervention judiciaire.

Il faut oser dénoncer les sommes qui sont consacrées à l’enfermement des enfants et des adolescents au détriment des mesures de prévention et d’accompagnement éducatif. Nous proposons de les employer à développer les réponses sociales, éducatives et thérapeutiques aujourd’hui menacées, à soutenir l’aide aux familles, à permettre l’accès aux soins des enfants et adolescents en difficultés et à favoriser les réponses innovantes dans tous ces domaines.

Il faut oser dénoncer l’absurdité du « découpage » de l’enfant ou de l’adolescent en mauvais élève, enfant malade, enfant en danger, mineur délinquant … et le cloisonnement insidieux des services de l’Education Nationale, des Conseils Généraux, de la Santé et de la Justice, tout comme le projet, parfois évoqué, de créer un juge des enfants pour les enfants en danger et un autre pour les délinquants. Nous proposons de favoriser le travail en réseau des professionnels et des services pour que l’enfant ou l’adolescent en grandes difficultés soit considéré comme un sujet, digne de la mobilisation des adultes et de la société.

Nous voulons contribuer au débat démocratique qui va s’engager au Parlement pour réformer l’ordonnance du 2 février 1945.

Nous lançons cet appel pour que nos parlementaires prennent en compte nos inquiétudes, nos analyses et nos propositions lors de l’adoption de cette réforme qui engagera notre société sur la façon dont elle veut traiter sa jeunesse.

Une loi pénitentiaire sans vision - Le Monde

02/03/2009 - Libération

Une loi pénitentiaire sans vision

Marie-Paule Héraud présidente de l’Association nationale des visiteurs de prison, Arnaud Philippe président du Genepi (Groupement étudiant national d’enseignement des personnes incarcérées)et Gilles Sobieski président de la Farapej (Fédération des associations réflexion action prison et justice).

Nous représentons plus de 5000 citoyens bénévoles intervenant chaque jour au sein de l’univers carcéral. Individuellement et collectivement, nous accompagnons et aidons toute personne détenue - quelle qu’elle soit et quoi qu’elle ait pu commettre - à se réinsérer après avoir purgé sa peine. Au-delà des valeurs humanistes qui nous animent, nous sommes des observateurs éclairés de ce qui se vit au sein des prisons et, comme d’autres experts, nous voulons nous exprimer sur toute modification législative permettant de donner un sens positif - pour l’homme et la société - à la peine de prison.

Le projet de loi pénitentiaire qui va être soumis demain aux parlementaires ne s’avère pas à la hauteur des attentes des partenaires de l’administration pénitentiaire que nous sommes. Il ne répond pas de façon satisfaisante à la situation extrêmement critique des personnes détenues ni aux besoins des services de réinsertion et des personnels de surveillance.

Certaines avancées comme les aménagements de peine ouvrent des pistes intéressantes dont il conviendra de mesurer l’impact réel : elles apportent du sens à la peine en rappelant qu’enfermement et sanction ne sont pas synonymes et que toute peine de prison doit permettre la réinsertion. Pour l’heure cependant, elles semblent répondre d’abord à une logique d’ajustement conjoncturel pour le désengorgement des prisons.

Le projet de loi en l’état actuel est bien en deçà d’une loi d’orientation telle qu’annoncée par la garde des Sceaux dès sa nomination : aucune vision claire de ce que doit être la peine à l’intérieur des murs de la prison ne se dégage, faute de clarification des missions de l’administration pénitentiaire. Ces missions restent définies en creux : la garde est en fait la fonction principale, des motifs d’ordre ou de sécurité pouvant justifier la restriction de presque tous les droits fondamentaux des détenus ; la réinsertion, elle, reste secondaire.

Alors que la France est régulièrement pointée du doigt - notamment par la Cour européenne des droits de l’homme - à propos de ses prisons, alors que notre pays a présidé l’Union européenne durant six mois, nous espérions que les règles pénitentiaires européennes seraient largement prises en compte : elles le sont mais a minima. Ainsi, le report de l’encellulement individuel en 2012 pour les personnes placées en détention est d’autant plus insupportable qu’il est inscrit dans la loi depuis juin 2000 !

Notre déception est donc forte, mais nous sommes aussi très inquiets de l’absence de réponses convaincantes à cette question essentielle : nos prisons vont-elles enfin être utiles ? Rien n’est moins sûr.

Comment atténuer sérieusement les risques de récidive sans augmenter réellement le personnel dédié à la préparation à la sortie ? Comment développer efficacement les alternatives à l’emprisonnement sans assurer à l’institution judiciaire les moyens nécessaires au suivi permanent et sécurisé des personnes qui en bénéficieront ? Comment donner la possibilité à la personne condamnée de réparer le tort causé aux victimes et à la société sans lui assurer l’accès à un travail justement rémunéré en prison et une formation facilitant l’obtention d’un emploi à sa sortie ? Sur tous ces aspects, le projet de loi reste très discret, renvoyant à des décrets ultérieurs hors du débat parlementaire. Certes des progrès sensibles viennent d’être apportés par les amendements que propose le sénateur Jean-René Lecerf. Mais ils sont encore insuffisants.

La société à laquelle nous appartenons se jugeant aussi sur l’état de ses prisons, nous allons poursuivre dans les semaines à venir des actions de sensibilisation auprès des parlementaires pour que cette loi pénitentiaire ait du sens. Ainsi, pour que les droits non retirés par une décision de justice puissent être exercés par la personne incarcérée, il convient que les ministères concernés (Santé, Travail, Education nationale, Logement) s’impliquent plus fortement et assument la mission de service public qu’ils ont vis-à-vis de toutes les personnes vivant en France, à l’intérieur comme à l’extérieur des murs de la prison. Pour que les citoyens et leurs élus exercent à bon escient leur jugement et leur droit d’expression sur nos prisons, il est indispensable que cette loi pénitentiaire, en tant que politique publique, soit assortie d’une procédure d’évaluation démocratique et publique.

Pour combattre la désinformation de nos concitoyens par des discours démagogiques sur la dangerosité et les risques de récidives, les pouvoirs publics et le personnel politique ont une mission pédagogique et urgente à engager : montrer ce qu’est la prison et expliquer ce qu’elle devrait être.

dimanche 29 mars 2009

Contacts

Génépi :

Siège national de l'association :
Courrier : GENEPI

12, rue Charles Fourier
75013 Paris
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Fax: 01.45.88.96.87

Génépi nanterre :
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lundi 2 mars 2009

Loi pénitentiaire: refuser ce rendez-vous de dupes

Source : libération

Le projet de loi pénitentiaire, qui est examiné à partir de mardi au Sénat, témoigne de la détermination de l’administration pénitentiaire à faire échec à toutes velléités réformatrices.


PATRICK MAREST est délégué national de l’Observatoire international des prisons.

Le projet de loi pénitentiaire est examiné à partir de mardi au Sénat. Là même où le constat dressé à l’issue des travaux des commissions d’enquête parlementaires, en 2000, fut le plus accablant. Il n’est pas inutile d’en rappeler la conclusion, qui donnât son titre au rapport sénatorial : «Prisons: une humiliation pour la République». Près de neuf années nous séparent de ce moment singulier où les élus de tous bords posèrent un regard lucide sur le désastre humain et social des conditions de vie et de travail derrière les barreaux. Mais, aussi et surtout, où ils prirent conscience, dans la foulée du Premier président de la cour de cassation, Guy Canivet, d’une autre dimension de la réalité carcérale. Celle d’un monde à part, hors norme, «régi par du sous-droit», au sein duquel l’exercice des droits fondamentaux de la personne détenue est subordonné «à ce qui est objectivement, voire subjectivement, compatible avec l’ordre, la discipline et la sécurité, les “droits” tendant alors à devenir des faveurs, des privilèges accordés ou retirés selon ces impératifs, voire à être annihilés».

Face à ce constat, celui qui était alors le plus haut magistrat de France préconisait l’intervention du législateur pour déterminer un régime de détention «conforme aux principes fondamentaux d’un Etat régi par la prééminence du droit et l’objectif primordial de la garantie des droits de l’homme». Le Parlement devait dès lors être guidé par la conviction que «pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n’y a d’autre solution que de rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l’extérieur, la société carcérale de la société civile.»

Nous étions en 2000 et cette réforme du droit de la prison n’a jamais trouvé place dans l’agenda politique. Parce que priorité fut donnée à la réorientation radicale de la politique pénale vers un accroissement et un durcissement de la répression, notamment à l’égard des récidivistes. Mais aussi, et peut-être surtout, parce que la révolution culturelle et juridique promue par le rapport Canivet, et à sa suite par l’ensemble des instances nationales et internationales de protection des droits de l’homme, n’a jamais trouvé grâce aux yeux de l’institution carcérale. La nature du projet de loi déposé par le gouvernement sur le bureau du Sénat en juillet dernier témoigne de la détermination de l’administration pénitentiaire à faire échec à toutes velléités réformatrices qui aboutiraient à la priver de sa mainmise sur les règles du jeu intramuros ou à minorer son emprise sur les personnes dont elle a la charge.

Les tenants et les aboutissants des enjeux du texte qu’elle a déféré au Parlement sont explicites. L’objectif premier que s’est fixé l’administration pénitentiaire au travers de la loi est de balayer «une approche égalitaire des détenus, qui restreint la possibilité de créer des catégories, qui interdit de considérer que telle caractéristique prédispose à tel comportement», l’ayant empêché «de parvenir à une véritable classification des détenus». Il s’agit avant tout, sous couvert du postulat selon lequel l’hétérogénéité de la population incarcérée oblige à la différenciation des régimes de détention, de perpétuer la compétence qui lui est aujourd’hui concédée de moduler à sa guise l’effectivité des droits éventuellement reconnus par le législateur. Autrement dit, à défaut de pouvoir s’opposer à la poussée inexorable des droits des détenus, l’administration pénitentiaire prend les devants en tentant de préserver l’essentiel de son pouvoir discrétionnaire.

Qu’importe si la notion de «dangerosité» qu’elle retient comme pierre angulaire de ses critères de classification n’a aucune assise scientifique, et pas davantage de justification empirique. Qu’importe si cette institutionnalisation de l’arbitraire dans les décisions d’affectation des détenus ne manquera pas de susciter une série de dérives et d’incidents qui viendront alimenter le discrédit qui frappe d’ores et déjà l’institution et accroître le climat délétère qui règne derrière les murs. L’enjeu immédiat est de se préserver des foudres des juridictions administratives, et au premier chef du Conseil d’Etat qui ne manquera pas de relever l’absence de base juridique de ces régimes différenciés, expérimentés à l’abri du regard du législateur depuis quelques années. La gestion sécuritaire des détentions est à ce prix. Et là réside l’essentiel de la commande politique.

Dans ces conditions, la décision gouvernementale de déclarer l’urgence sur le projet de loi doit être interprétée à sa juste valeur. La procédure retenue vise concrètement à faire obstacle à ce que la représentation nationale puisse exercer pleinement ses responsabilités au travers d’une double lecture dans les deux chambres. Il ne tient qu’aux parlementaires de ne pas se laisser déposséder du «grand rendez-vous de la France avec ses prisons» annoncé par la Garde des Sceaux dès l’été 2007, ajourné depuis lors sans la moindre explication et désormais précipité sans raison.

La qualité exceptionnelle de la démarche d’analyse et de mise en perspective à laquelle ils s’astreignirent dans le cadre de leurs commissions d’enquête suggère d’adopter désormais une attitude en rapport avec cet engagement d’antan. La hauteur de la fonction dévolue au législateur l’appelle dans un même mouvement à sanctionner d’un vote négatif unanime le texte qui lui est proposé, et à organiser la mise en chantier immédiate d’une réforme de la prison digne de ce nom.

samedi 10 janvier 2009

article de Libé du 7 janvier 2009: contôleur des prisons

Le contrôleur général des prisons pointe les tensions de la détention
Vie carcérale. Le rapport de Jean-Marie Delarue, publié aujourd’hui, avance six propositions.

En juin, Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux privatifs de liberté, visitait la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône (Rhône) avec quatre autres contrôleurs. Son rapport a ensuite été remis aux ministres de la Santé et de la Justice, qui ont répondu à ses remarques. Le Journal officiel publiant le texte aujourd’hui, le contrôleur a choisi de mettre en avant six recommandations qui lui paraissent avoir «un degré de généralisation important». Des failles que l’on retrouverait dans la plupart des 15 autres établissements pénitentiaires visités depuis septembre.
Le moment choisi pour cette première médiatisation n’est peut-être pas tout à fait un hasard, entre une vague de suicides carcéraux et une loi pénitentiaire en préparation. «Il ne m’appartient pas de prendre parti sur les projets parlementaires du gouvernement», répond Jean-Marie Delarue lorsqu’on lui pose la question. Avant d’ajouter dans la foulée qu’il lui «appartient de prendre appui sur les propositions qui peuvent [lui] être faites».
Concernant les suicides, aucun des trois survenus en 2008 à Villefranche, avant sa visite, ne lui a semblé mettre en cause le fonctionnement de la maison d’arrêt. Mais ce thème se retrouve en filigrane dans les six propositions exposées hier.
De pervers parcours individualisés
La loi pénitentiaire en préparation prévoit des parcours d’exécution des peines différenciés d’un détenu à l’autre. Une idée louable, issue des règles pénitentiaires européennes. Mais le contrôleur général a mesuré à Villefranche quelques effets pervers. Les détenus paraissant réinsérables y bénéficient d’une amélioration progressive de leur régime de détention, dans un bâtiment où les surveillants sont tous volontaires et où les prisonniers ont un accès privilégié au téléphone et aux promenades. La sélection serait parfois arbitraire et la situation vécue comme ségrégative. «Les détenus comprennent que certains sont dans un quartier d’excellence, d’autres dans le quartier des damnés», résume Jean-Marie Delarue.
Les recours défaillants
Lorsqu’un détenu veut se plaindre d’un dysfonctionnement, d’un surveillant qui le traiterait mal, il doit écrire un mot. Et qui le transmet à la hiérarchie ? Le surveillant d’étage, «qui commence par l’ouvrir», ont découvert les contrôleurs. «Le droit de protester, à tort ou à raison, doit être effectif et il doit recevoir une réponse, quelle qu’elle soit, dit Jean-Marie Delarue. Trop de recours sont étouffés par crainte, par impossibilité. Ils restent, c’est le cas de le dire, lettre morte. Cela conduit au repli sur soi ou à la violence.»
Les directeurs trop éloignés
La pénitentiaire a mis en place une génération de directeurs souvent remarquables, mais trop éloignés de la détention, selon la mission. Accaparés par d’autres tâches, ils ne peuvent comprendre tout ce qui se joue. Les remettre «au quotidien ou presque» en détention serait indispensable, selon le contrôleur général, pour que «le cœur de la mission reste de s’occuper des détenus et des surveillants», et pas de l’intendance.
La violence des promenades
A Villefranche comme dans de nombreuses prisons, les cours de promenade sont des «lieux absolus de non droit» trop dangereux pour que les surveillants «s’y aventurent». Une part des violences qui s’y déroulent leur échappe. «Toutes les combinaisons, tous les coups et tous les rackets sont possibles», dénonce Jean-Marie Delarue. Trois semaines avant sa venue, une bagarre extrêmement violente a opposé des détenus; pour la plupart géorgiens, à d’autres détenus, d’origine maghrébine. Bien des détenus ne veulent plus aller en promenade et c’est un critère pour les contrôleurs, qui demandent leur nombre en arrivant dans une maison d’arrêt. Souvent, les directeurs ne le connaissent pas.
A l’ombre des grilles
L’administration pénitentiaire fait poser des «caillebotis» dans ses établissements. Pas des terrasses en bois exotique, mais des grilles aux mailles serrées, pour interdire le «yoyotage» (la transmission d’objets de cellule en cellule). «Cela se traduit par une diminution drastique de la luminosité et de la visibilité, témoigne Delarue. Les détenus racontent qu’ils ont l’impression de passer de la lumière à l’ombre. Le rythme biologique se brise. L’accès au ciel est interdit.» Cela aussi, conclut-il, conduit à la violence, à l’autoagression.
Des éducateurs dans la paperasse
Le rapport des contrôleurs éreinte le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip), dont les salariés sont noyés sous la paperasse à remplir, jusqu’à ne plus prendre le temps de rencontrer les détenus. Cela conduit encore à la frustration de tout le monde et, une nouvelle fois, au repli.
Rendues avec le rapport définitif, ces recommandations générales n’appellent pas de réponse formelle des ministres concernés, aux termes de la loi. Mais Jean-Marie Delarue croit savoir que la garde des Sceaux a «reconnu le bien fondé» de certaines de ses observations. Il promet de retourner à Villefranche-sur-Saône pour voir si quelque chose a bougé.